

CONFERÈNCIES
du Je de l’enfant.
sujet et en thérapie
différentes fonctions du jeu : elle est à la fois objet de jeux imaginaires
avec un objet de la réalité (la marionnette) et dans une fonction symbolique du
jeu, celle qui donne accès à la parole et
au sens, conscient et inconscient
devenu psychanalyste, le jeu est la source même de la créativité, y compris
dans les thérapies d’enfant. Pour lui, il est vital pour l’enfant de jouer, un
enfant qui ne joue est en souffrance et doit être aidé à apprendre à jouer. Le
jeu est créatif, il se prête à toutes sortes de fantaisies, il donne un
sentiment de toute-puissance dont l’enfant a besoin pour s’affirmer avant de
devoir y renoncer.
à l’enfant de supporter l’absence de sa mère et l’angoisse de la perte. Il
s’agit du fameux jeu de la bobine dans lequel l’enfant en faisant revenir la
bobine, imagine le retour de sa mère. Son jeu lui permet de croire en sa
capacité à faire revenir sa mère et l’informe que l’objet disparu peut revenir.
de thérapie, dès le plus jeune âge de l’enfant. En regardant l’enfant jouer,
elle comprend ce qui fait problème pour lui, elle lui donne la clé avec des
interprétations.
thérapeutique
jeu de Guignol
confrontée à un manque de thérapeutes dans une institution pour jeunes
désocialisés, invente le jeu de Guignol avec des marionnettes.
jeux avec beaucoup d’intérêt et que l’abréaction des émotions refoulées leur
permet de retrouver une forme d’équilibre psychique.
un établissement d’enfants délinquants. Choissisant le personnage de Gasperl
thérapeutes, se trouvant dans des institutions de soins pour enfants déficients
ou délinquants, trouvèrent, grâce à la marionnette, une aide thérapeutique tout
à fait efficace.
particulier aidant au développement du Je de l’enfant ?
lutte contre l’angoisse de perte ou de vide,
indique le sens et le rassemble dans un langage (une « traduction »)
compréhensible à tous,
sentiment d’appartenance et de sécurité
marionnette. En quoi le Je de l’enfant s’en trouve fortifié ?
ateliers thérapeutiques utilisant la marionnette ont des problématiques
névrotiques tournant autour de l’inhibition : difficultées à s’exprimer, crainte à se montrer, déficit
de la confiance en soi, gênes dans la conscience corporelle, inhibition
relationnelle, hyperactivité parfois avec pauvreté d’élaboration verbale.
enfants sont tous volontaires pour venir à l’atelier. Le plus souvent leur
pathologie (et celles parfois de leurs parents) les ont conduits à refuser une
aide psychologique individuelle. Ils sont pessimistes sur la capacité de
l’adulte à les écouter et à les aider. La marionnette vient comme une
proposition qui les soulage : elle se présente comme un jeu, elle se
pratique dans un groupe restreint, elle ne demande aucune compétence
particulière, elle ne pose pas de questions.

l’accroissement du Jeu
créatif : il a été capable de concevoir et de créer de ses mains et de son
imaginaire, presque seul, un objet particulièrement riche de possibilités. Il
va pouvoir l’admirer, en jouer, le prêter s’il le souhaite, parler grâce à lui.
C’est le premier objet crée par l’enfant, possédant une telle richesse de
significations. Winnicott le nomme l’objet transitionnel, celui qui introduit à
la séparation et à l’individuation du sujet.
considérable à l’expression verbale grâce à la marionnette. Sans qu’il le
réalise tout à fait, la marionnette lui permet de prendre la parole en public.
Enfin cette marionnette l’aide à dire des choses de lui qu’il n’a jamais osé
dire et apaiser des angoisses qu’il ne pouvait exprimer.
la créativité, capacité à se séparer, capacité à s’exprimer et à dire quelque
chose de soi, diminution de l’angoisse sont des puissants leviers à
l’enrichissement de la personnalité, à la fois intime et sociale.
inhibée et légèrement déficiente intellectuelle. Comment le groupe de
marionnette lui permit d’affirmer positivement sa personnalité fragilisée dans
le milieu déficitaire dans lequel elle vivait et qui ne lui offrait que très
peu d’aide.

2. PHILLIPPE CHOULET
L’art de la Marionnette : du réel au
symbolique via l’imaginaire
défendre (faire son apologie) de l’art de la Marionnette en ces temps
industriels, faits de “pokémon go”,
d’images à haut débit, d’images subliminales, de virtuel, de selfies, d’effets spéciaux
cinématographiques, etc. Comment diable un art tout de même traditionnel et
fier de l’être, qui date au moins des Egyptiens et des premiers Grecs (Ve
siècle avant J.C. — Platon en fait déjà la théorie…), résiste-t-il aux assauts
destructeurs et nihilistes des arts technologiques contemporains ? Comment
faire pour convaincre les spectateurs d’aujourd’hui à prendre au sérieux la
Marionnette ? Comment la Marionnette réussit-elle à survivre, dans cet
océan de paresse et de persuasion médiatique de l’art contemporain, dans cette
accumulation de performances, et dans cette culture du vide du sens ?
l’art de la Marionnette montre quelque chose qu’aucun autre art ne saurait
montrer, et certes pas le théâtre de l’acteur en chair et en os.
nous devons montrer, et c’est une affaire complexe.
afin d’être clair.
présente à nous d’abord par sa réalité matérielle, en tant que chose et objet
technique. Comme chose : un galet, une fleur, une branche, un caillou, une
pierre, dont la forme baroque donne à imaginer… Comme objet, un cageot, une
valise, des outils, une brouette, une fourchette, des meubles, mais aussi comme
masque, comme silhouette, comme figure, comme pantin, poupée, marionnette à
gaine, etc. Il y a là une merveille de multiplicités de formes, admirables,
enthousiasmantes, qui donnent à rêver. C’est logique : la forme de l’objet
marionnettique peut être simplement trouvée dans la nature, comme elle sera
également inventée, créée, en tant qu’artefact, artifice, outil, instrument, ou
arme…
est de l’ordre de l’âge traditionnel agricole (on en trouve déjà chez les
Egyptiens…), elle est tout de même déjà une forme de « réalité
augmentée », elle est une réalité humaine augmentée, en tant qu’elle est
un medium, ou un media, c’est-à-dire un système de prothèses par lequel
l’esprit et le corps humain inventent leur pouvoir sur eux-mêmes (le corps sur
l’esprit, l’esprit sur le corps) ; par lequel ils se découvrent et se
réinventent, se renouvellent ; par lequel ils augmentent leur pouvoir sur
le corps et l’esprit d’autrui (le public) ; par lequel ils inventent des
mondes, par un art des signes spécifiques (articulations, manipulations,
masques, gestes, expressions, discours, types de prises de paroles).
d’abord une forme de réalité matérielle par laquelle l’esprit sort de lui-même
pour mieux se retrouver, à la fois en lui-même (il s’y reconnaît) et aliéné
(puisqu’il n’est plus entièrement lui-même, puisqu’il s’est transformé,
modifié, puisqu’il a appris quelque chose de lui-même par ce biais. Comme tout
média, elle est un détour que fait l’esprit pour se définir, se reconquérir
lui-même, pour s’exprimer, pour se prouver sa liberté. Hegel a dit là-dessus
des choses définitives et instructives, y compris sur la modestie de la
conscience qui apprend, d’abord, au contact du réel matériel — elle doit
apprendre à travailler. La Marionnette est ainsi faite de la main humaine, de la parole humaine (entendue comme prise de parole, comme performance
au sein de la langue) et de la voix
humaine (lorsqu’on la fait parler) : main et voix sont des matériaux,
des réalités matérielles. La Marionnette est, de ce point de vue là, analogue
aux arts de l’expression — à la parole, à l’écriture, à la danse, à la musique,
au théâtre — et aux arts plastiques — au dessin, à la peinture, à la gravure, à
la sculpture, etc.
comprendre que la notion de réalité est complexe — disons
« feuilletée », et qu’il faut la déterminer selon ses diverses
strates :
l’apparition de la Marionnette est sa dimension matérielle et physique. Elle
est d’abord cette réalité concrète faite / formée de divers matériaux, qui ont
chacun leur logique : on ne travaille pas le papier crépon ou le tissu comme
on travaille le bois, et on ne travaille pas le bois comme on travaille le
métal — sans compter qu’il y a des différences de résistance, de texture, de
docilité entre les bois et entre les métaux eux-mêmes… La matière détermine
parfois grandement la forme, qui n’est jamais entièrement libre. Et si la réalité
physique de la Marionnette est parfois naturelle (un galet trouvé là), elle est
cependant plus souvent culturelle, technique, historique, car elle est un
artifice humain (Guignol, etc.) ; et l’ont peut bien dire aussi que même
en tant que forme naturelle, elle est investie d’une signification et d’un sens
spirituel humain, qui en fait un objet / un sujet de culture et de
civilisation. Le moindre mouvement imposé au galet est déjà riche d’humanité.
Il faut donc penser l’intention ou la
volonté d’art.
réalité psychique, celle de l’esprit, qui, même immatérielle, invisible, n’en
est pas moins une réalité ; après tout, si les sociologues (Durkheim) définissent
la réalité par sa résistance au changement et à la connaissance, reconnaissons
que la bêtise en est un bon exemple !
psychique a elle-même plusieurs formes :
individuelle, la mienne, la vôtre, chacun la sienne, qu’il soit génie créateur (Kleist,
Craig, Kantor, Trnka…) ou simple d’esprit. Elle est faite d’“énergie libre” (créatrice,
heuristique, celle du brainstorming) et
d’“énergie liée” (disciplinée, soucieuse, par exemple de transmettre un sens,
d’exprimer un affect, ou de se faire comprendre…). N.B. La distinction entre
“énergie libre” et “énergie liée” est de Freud, et elle nourrit de façon
heureuse les distinctions faites par Roger Caillois (cf. Les jeux et les hommes) à propos du jeu : le jeu libre
(l’improvisation et le délire de paidia,
le vertige de l’ilinx) et le jeu
réglé (le combat de l’agôn ou du polémos, l’imitation du mimétisme, du mimicry).
collective sauvage, imprévisible, chaotique, à l’“énergie libre” — celle de la
foule, du public, de la masse (la foule d’une manifestation, la foule du
lynchage, la foule des hooligans).
collective institutionnelle, réglée, prévisible, ordonnée, à l’“énergie liée”.
Les communautés artistiques autour du théâtre de Marionnettes sont censées
obéir à des codes, à des mœurs, qu’elles soient du côté de la création, de la
mise en scène, de la fabrication, de l’animation, de la manipulation ou qu’elles
soient du côté de la réception, de l’écoute et de la vision, et de la critique…
Marionnette est un mixte de réalité physique et de réalité psychique humaine, il
nous faut évaluer sa puissance d’agir, sa puissance d’affecter (comme dit
Spinoza).
n’apparaissent à la conscience qu’à partir du langage et précisément de la dénomination.
Il faut penser la puissance d’évocation des noms, surtout s’il s’agit de
théâtre : Bergson, dans Le Rire,
disait que la comédie s’occupait de types humains (Le Misanthrope, L’Avare, chez Molière ; Le Marchand de Venise, Les Joyeuses Commères de Windsor chez
Shakespeare, Les Plaideurs chez Racine…),
alors que la tragédie traitait d’individus singuliers, avec des noms qui
personnalisent, qui personnifient (Othello,
Dom Juan, Athalie, Phèdre, Roméo et Juliette, Le Roi Lear, Macbeth, Hamlet…).
Le nom singularise et annonce quelque chose, une atmosphère, un ton, une
valeur, une histoire, une intention. Dans la tradition du théâtre de
Marionnettes, ce sont les noms de Guignol, Madelon, Punch, Judy, Lafleur,
Tchantchès, Hännesche, Kasparek, Casperl, Karagheuz, Marotte, Pinocchio,
Mariole, Pulcinella, Petrouchka, qui portent du sens.
suffit de dire “pantin”, “marionnette”, “bouffon”, “poupée”, “guignol”, et,
pour la télévision, Les Guignols de
l’info (en France), le Muppet Show (en
Angleterre), pour indiquer qu’il y a une certaine évaluation, une certaine interprétation,
une certaine lecture de ce qui apparaîtra au spectateur. Il y a déjà là un
jugement de valeur. Le nom des types (des modèles) de Marionnettes, le nom de
la Marionnette elle-même est déjà du sens. Il nous fait entrer dans ce qu’on
peut nommer l’“éther du sens” (cf. Saint Augustin, De Magistro), que nous partageons en tant que nous sommes des
esprits et des corps spirituels / spirtualisés, en tant que nous donnons de
l’esprit et de l’âme à des corps inertes (ce qu’on appelle “animation” /
“manipulation”). La Marionnette étant déjà du langage, et même une langue à
elle toute seule, et même un style, nous met en présence de ce milieu qui nous
est commun, le système de la langue, que nous déterminons par la parole comme
acte singulier. La Marionnette est une réalité linguistique, à la fois
physique, matérielle et psychique, immatérielle. Voilà pourquoi nous aurons un
“pont” entre la face matérielle du pantin et sa face spirituelle…
ce que Kant (Critique de la Faculté de
juger, § 59) appelle « exposition linguistique » (ou
« présentation linguistique »). Il indique ainsi, un siècle avant
Ferdinand de Saussure, l’importance de donner des noms aux choses et aux
actions, car les noms exposent et présentent un domaine précis de métaphores, et
même parfois surdéterminent les significations. Soyons attentifs à cette
dimension linguistique du réel, au réel linguistique, qui est très important en
ce qui concerne les effets sur l’esprit. Il suffit de réfléchir, dit Kant, aux
verbes et aux expressions qui nomment et indiquent des opérations
intellectuelles en suivant les règles des actions de la main : saisir,
ap-prendre, com-prendre, ap-préhender, avoir la main mise sur, manipuler, tirer
les ficelles, en un tour de main, manière, etc. Et les termes de “pantin”,
“marionnette”, “bouffon”, “poupée”, “guignol” n’ont pas seulement un sens
technique, ils peuvent être péjoratifs, constituer des formes de mépris et
d’attaque, des insultes et des injures…

cran, même si nous venions déjà de l’aborder dès cette dimension linguistique.
La dimension supérieure est celle de l’imaginaire
— que Kant appelle« schématique ».
« Schématique », parce que l’énergie psychique est ici réglée par les
figures abstraites, les schémas, les épures mentales, les esquisses
intellectuelles qui servent de modèles. Nous sommes ici au cœur du travail de
réflexion, de conception, de formalisation, de l’esprit. Autant la forme du
pantin doit respecter la logique de son matériau, autant le rôle, l’action, le
verbe, la parole et la voix du personnage doit respecter la logique de son
modèle (général : Guignol, ou
singulier : Othello). Nous
retrouvons ici le dualisme énergie liée / énergie libre, les deux pôles de la
discipline et de l’anarchie qui rendent possibles l’invention et la
compréhension du théâtre de marionnettes.
à la fois l’imagination reproductrice (la
répétition, la reproduction des matrices de gestes, de paroles, de conduites…)
et l’imagination créatrice (qui
invente et initie, qui fait voir et entendre du nouveau). Tel est le pouvoir
des règles : nous sommes mis en présence de quelque chose d’attendu, de
prévisible, de déterminé, d’une part — et cela permet la “re-connaissance” —,
et de quelque chose d’imprévisible, de créatif, d’inédit, de nouveau, d’autre
part — et cela permet d’étonnement, l’admiration, la joie spontanée du
ravissement. Nietzsche nommait cela : « danser dans les chaînes »
(Aurore, § 140).
faut bien insister, avec Kant toujours (qui pensait aux formes géométriques)
sur le fait que règne ici une forme de la connaissance abstraite et
conceptuelle. C’est ici que s’annonce le travail intellectuel pur de l’artiste
marionnettiste (comme de tout auteur de théâtre sans doute). Il lui faut
composer les formes générales (production des schèmes abstraits) et les formes
singulières (création de figures, d’événements, de situations), les formes de
la reproduction en vue de la reconnaissance par tous et les formes de
l’invention en vue de la surprise, de la survenue de l’inédit, du surgissement
de la nouveauté. Car l’originalité de
l’art est à ce prix, d’autant qu’il s’agit d’un art ancien, dont l’actualité se
détache sur fond de tradition, de savoir ancestral, de culture profondément
ancrée dans les esprits — même inconsciemment. Nietzsche écrivait :
« Qu’est-ce que l’originalité ? Voir
quelque chose qui n’a pas encore de nom, ne peut pas encore être nommé,
quoique cela se trouve sous tous les yeux » (Gai Savoir, § 261). Ajoutons : l’originalité d’un artiste est
de faire voir, de montrer, de faire entendre et écouter ce
qui n’avait encore jamais été vu, entendu et écouté, alors que cela était évident, puisque cela « crevait
les yeux » — et même les tympans…
“conception” signifie à la fois “production du concept de la connaissance en et
par notre esprit” et “production d’une forme nouvelle, genèse, création” n’est
pas un hasard : cette dualité de sens est due à la puissance matricielle
de l’imaginaire humain, qui constitue, en tant que source unique et unitaire
des formes, le cœur énigmatique et secret de l’esprit humain, dit Kant. Le
théâtre de marionnettes aura donc sa poétique propre, faite de mécanique et de
grâce, de perfection divine (celle du geste spontané et involontaire du danseur
dans l’instant, geste seul en son genre et non répétable, inimitable) et de
perfection animale (l’ours escrimeur), comme y insiste Kleist dans Sur le théâtre de marionnettes. C’est
pour cette raison qu’une idée remarquable traverse l’histoire moderne de la
théorie du théâtre de marionnettes, de Kleist à Kantor, en passant par Craig :
la perfection de la production des effets ne saurait venir de la conscience,
mais du corps. Nietzsche encore : « rien de ce qui est conscient ne
saurait être parfait » (Antéchrist,
§ 14). La dimension imaginaire de la marionnette est donc instructive, quant à
l’élément inconscient, pulsionnel, désirant de son art.
symbolique.
toujours Kant : après l’exposition linguistique de la dénomination,
l’exposition schématique de l’imaginaire, voici l’exposition symbolique des
idées. Après la physique des Marionnettes, voici leur… métaphysique. Mais nous
ne quittons pas pour autant les trois dimensions précédentes, justement parce
que la question symbolique unifie tout
le travail artistique, de la dimension matérielle à la dimension la plus
spirituelle, en passant par la dimension linguistique et la dimension
imaginaire. Que le symbole unifie, c’est
une activité conforme à l’étymologie grecque du terme, sumbolon, qui nomme l’acte d’unir deux parties d’une totalité
brisée auparavant (des tessons de bouteilles, des morceaux de tuile, des bouts
de tissu…), afin de prouver la validité d’un contrat établi entre deux partis.
Le symbole est en ce sens quelque chose de très empirique et de très sensible —
contrairement au préjugé qui fait croire à son caractère très abstrait. Et en
même temps, il présentifie un idéal
ou une idée. Le symbole a bien une fonction
synthétique.
que le symbole est un signe qui lie étroitement une forme sensible et une Idée
ou une Valeur. Par exemple, un moulin à bras, une colombe ou une jeune femme avec
un bandeau sur les yeux, une balance à plateaux et un glaive symbolisent, en
l’occurrence, dans l’ordre : le Despotisme, la Paix ou la Justice, et ce
par le biais du schématisme — donc par l’imaginaire effectif — qui présente à l’esprit
le mode d’action, de présence ou de pensée de cette Idée : le bras armé du
despotisme tombe sur les peuples asservis, la colombe survole le monde
pacifiquement avec un rameau d’olivier dans le bec, l’institution judiciaire
juge ou punit sans arbitraire ni préférence, de façon égalitaire mais
impitoyable)… Il va de soi que la Marionnette est parfaitement apte à
symboliser quelqu’idée ou quelque valeur que ce soit, y compris les modèles de
comportement — même les plus
négatifs : le cynisme cupide, la haine, la bêtise, la férocité, la
cruauté, la jalousie, le meurtre, le génocide, le racisme ; ou les plus
ambivalents : la colère, la révolte, la jouissance sexuelle,
l’amour ; ou les plus généreux : la solidarité, l’humanité, la concorde…
La Marionnette réalise parfaitement
le sens, par d’autres moyens que le corps biologique / physiologique de
l’acteur, et sans doute mieux que lui, car elle oblige au détour par un
mécanisme inerte, sans esprit ni volonté. Elle
n’incarne rien, elle montre et indique, et Brecht vantait sa distanciation nécessaire et immanente,
indissociable de sa nature propre.
encore dans cette exposition symbolique par la marionnette. C’est la dimension
de don et d’offrande. Glenn Gould, le pianiste canadien, disait que l’œuvre
d’art est de l’ordre de l’offre, et non de l’ordre de la réponse à une demande,
ni de l’ordre de la satisfaction des besoins d’un marché plus ou moins fabriqué
en amont. Lorsque nous disons : « c’est symbolique », nous
entendons cette dimension de gratuité, de présence pure et simple, sans demande
d’aucune sorte ; le « franc symbolique », l’« euro
symbolique » expriment également cette légèreté de l’être, très…
soutenable, quoi qu’en pense Milan Kundera. C’est la dimension de désintéressement, aux antipodes de
l’intérêt cupide de la raison (définie comme calcul de l’intérêt), qui donne du
sens à cette grâce et à cette dignité morales. Le désintéressement est la vertu de la raison comme pensée des
principes et des fins, des Idées et des valeurs universelles de l’humanité.
symbolique de la marionnette est donc bien réelle. Comme toute stratégie de
partage du sens, d’expression d’affects et de pensées, de transmission des
significations, elle unifie les deux partis du théâtre, le parti de la création
et le parti de la réception. Le théâtre de
Marionnettes nous initie à sa manière originale (par le biais de pantins
inertes) à l’exercice de la vraie parole et de la vraie pensée. Elle nous
contraint (plus ou moins violemment) à nous décentrer, à effectuer un détour
par le lieu (indécidable) de l’autre, et cela mentalement, psychiquement, en effigie. C’est ce que dit Kant, à
propos de la « pensée ouverte » : « penser en se mettant à
la place de tout autre » (Critique de la
Faculté de juger, § 40). C’est la deuxième « maxime du sens
commun », « de la pensée élargie », après « penser par
soi-même » (pensée active et autonome, « libre de préjugés » et
de toute superstition) et « toujours penser en accord avec soi-même »
(penser de façon conséquente et responsable). A propos de cette deuxième
maxime, Kant écrit : « En ce qui concerne la deuxième maxime de cette
manière de penser, nous sommes bien accoutumés à appeler par ailleurs “étroit
d’esprit” (borné, au sens du
contraire d’élargi) celui dont les
talents ne suffisent pas à un usage d’une certaine ampleur (notamment, à un
usage intensif). Simplement n’est-il pas question ici du pouvoir de la
connaissance, mais de la manière de
penser qui consiste à faire de la pensée un usage conforme à sa fin; et
c’est cette manière de penser qui, si restreint selon l’extension et le degré
que soit ce dont l’homme se trouve doué naturellement, témoigne cependant que
l’on a affaire à un être dont la pensée est élargie — savoir sa capacité à
s’élever au-dessus des conditions subjectives et particulières du jugement, à
l’intérieur desquelles tant d’autres sont comme enfermés, et à réfléchir sur
son propre jugement à partir d’un point
de vue universel (qu’il ne peut déterminer que dans la mesure où il se
place du point de vue d’autrui). » Appliquez ce programme à la Marionnette,
vous avez là le “b-a-ba” de l’humanisme au théâtre.
prenant soin de l’adresse de la
parole (au sens où la parole est adressée
à quelqu’un) — archétype de la parole juste. Tel est le paradoxe qui
consiste à faire parler un pantin, à parler à travers un pantin. Il convient en
effet d’agir et de parler en se demandant toujours : qu’est-ce que l’autre
peut bien saisir de ce que je dis ? Qu’est-ce qu’il peut bien comprendre
des signes que je lui adresse via le pantin, via l’œuvre, via la prise de
parole ? Cette exigence du détour et du souci de l’autre est le premier
pas vers une intersubjectivité véritable, à l’opposé du narcissisme éhonté des
performances de l’art contemporain, où la mise en scène de soi, la masturbation
et le solipsisme sont souverains. Avec le théâtre de Marionnettes, l’esprit
voyage, entre deux pôles, celui du marionnettiste et celui du public, ou plutôt
entre deux lieux mentaux au sein de l’esprit du marionnettiste, le lieu propre
de la recherche, de l’invention, de la création, de la réalisation d’une part
et le lieu imaginaire / symbolique de la présupposition dont le public est
l’objet (je conçois en moi-même,
intérieurement, le lieu où est le
public, ce qu’il est, son état, sa faculté de réception, son degré de
préparation). L’objet marionnettique, lieu mental, circule en effigie entre ces
deux pôles — entre une noèse (acte de pensée du sujet) et un noème (résultat de
la pensée, du côté de l’objet conçu). Si la pensée du marionnettiste est
conscience de quelque chose, c’est bien à la fois de son objet et de son
objectif, l’adresse au public. Le mouvement spirituel est une ellipse, et non,
comme dans le narcissisme, un cercle dont le sujet créateur serait le centre
souverain. Craig et Kantor ont fortement critiqué cette prétention de l’artiste
moderne, « enfant gâté » (Baudelaire, Salon de 1859) à la présomption infinie. L’accent kantien sur l’adresse comme visée permet de décentrer
le sujet créateur et de réduire sa vanité…. C’est le partage du sens qui est en jeu. La manipulation du pantin est aux
antipodes du rapport unilatéral du politique et de la virtuosité gratuite du
démiurge : le sens présenté circule,
il se balade entre le pantin, l’artiste et son public, dans de multiples
va-et-vient qui régulent peu à peu les rapports entre les quatre lieux (le
sens, le marionnettiste, la Marionnette et leur public) et ces quatre
dimensions (sensible, linguistique, imaginaire et symbolique).
valeur sensible et matérielle, valeur linguistique, valeur imaginaire, valeur
symbolique, valeur idéelle / idéale, valeur de pensée. Et voilà pourquoi l’art de
la Marionnette peut figurer à sa juste place, en tant qu’art véritable et en
tant qu’art d’aujourd’hui, y compris avec les moyens industriels les plus
sophistiqués.
spirituelle, que Kant appelle symbolique.
Dans ce domaine règne la pensée.

COMUNICACIONS
1. PERE BIGUES
Aquí teniu uns enllaços per poder veure la comunicació que va presentar sobre projectes socials de Marionetes Nòmades:

2. NÚRIA MESTRES
Aquí teniu un enllaç a pdf de la comunicació que va presentar sobre Experiència Artteràpia amb titelles a AREP
https://drive.google.com/open?id=0B3_At_tbnDemNHVUY1E2endsekU

































